Ce qui suit va sans doute apparaître un peu "prise de tête" , mais je me dis qu'il est parfois sympa de s'interroger sur le "comment marche l'organisme" pour pouvoir très concrètement en tirer profit sur le terrain ...
On lit souvent que sur un ultra l'utilisation des graisses prend le relai de celle du sucre ....
Avec parfois des données précises en terme de % des filières...
Tout cela reste de mon point de vue très approximatif voir parfois hasardeux
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Le premier élément d'importance à savoir est de se dire que notre brave réserve d'énergie des lipides qui est certes la plus importante de l'organisme .....est aussi la plus difficile à utiliser

Un des paramètres qui va intervenir pour optimiser cette filière énergétique reste l'entrainement .... c’est lors de la préparation physique que l’on va apprendre à l’organisme a être capable de mobiliser le stock des lipides ( les graisses) notamment dans les moments ou l’intensité de l’effort va se situer dans la zone cible des 70% de la Fc max pour faire très court) ...mais pas seulement ...
Cet entrainement va développer 3 paramètres d'optimisation de l'exploitation des lipides :
> le nombre de mitochondries dans nos cellules
L'oxydation des acides gras libres se fait au sein des mitochondries et le nombre de ces petites bestioles au sein de nos cellules dépend étroitement du travail aérobie ....
> le taux des enzymes responsables de la bêta-oxydation des triglycérides (eh oui sans elle pas d'exploitation des acides gras libres)
> le nombre de gouttelettes lipidiques dans les cellules (bestioles contenant des lipides dits neutres )
Les gouttelettes ont notamment un rôle direct sur la détection de l'état du stock de triglycérides
source :
les travaux de Cédric Blouin, Eric Hajduch et Isabelle Dugail
" L'obésité : nouvelles stratégies d'identification de ses processus cellulaires et moléculaires" édition : Journal de la Société de Biologie, 2006
.. mais il ne faut pas oublier le lien direct avec la VO2 max elle même ...
Eh oui l'oxydation lipidique varie entre autre en fonction de la VO2max....
on passe du simple (250mg/min) au double (50mg/min ) entre V02max de 47mL/min/kg et une de 64mL/min/kg
On l'oublie souvent dans la réflexion sur les lipides mais l'utilisation des graisses impose une consommation d'oxygène supérieure à celle requise pour les glucides. Pour indication, la différence de rendement est de l'ordre de 10%.
source :
La fiabilité de la Lipomax > "The reliability of Fatmax."
Meyer, T., Folz, C., Rosenberg, F. & Kindermann, W.
Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, 2009
Lien direct avec la durée et niveau d'intensité de l'effort
L'exploitation de la filière de la lipolyse (utilisation des graisses) n' est pas linéaire ...
Pendant l’effort si effectivement les triglycérides viennent palier la déplétion du stock de glycogène cela ne se fait pas sur une ligne droite de manière constante !!
La proportion des lipides pour fournir l’énergie est totalement dépendante de la durée de l'effort : plus la durée sera importante, plus la part lipidique augmentera accompagnée par une une hausse de la consommation de glucose plasmatique.
De la même manière plus l’intensité augmente, moins la part des lipides sera importante.
C'est le fameux concept de croisement métabolique ( « crossover concept ») présenté par Brooks et Mercier (1994)
Source :
Balance of carbohydrate and lipid utilization during exercise: the "crossover" concept.
Brooks et Mercier
édition J Appl Physiol (1994)
le couple lipide /glucide
La première partie de la transformation de la graisse s’appelle la lipolyse. Ce mécanisme transforme la graisse des aliments en acides gras (AGL : acide gras libres) qui sont diffusés dans le sang et transportés un peu partant dans l’organisme et en particulier dans les fibres musculaires.
A l'intérieur du muscle, ces AGL vont être détruits pour se transformer en énergie... Mais il y a deux restrictions pour ce dégradation fonctionne à plein régime :
Une indispensable forte présence d'oxygène + une dégradation associée des glucides
Eh oui la transformation complète des lipides utilise donc partiellement la voie des glucides , voila pourquoi on dit parfois que « les lipides brûlent au feu des glucides » (l'expression n'est pas de moi..)
Donc sans glucide ...pas d’énergie de lipide non plus !!!
PRATIQUEMENT : faut-il "manger du gras" sur du très long ?
Au regard de ce que l'on vient de dire la réponse par l'affirmative est tentante ...
En réalité la nécessité est toute relative !
D'une part nous disposons d'un stock de lipides très important de plus les lipides sont beaucoup plus énergétiques que les glucides La dégradation d'une molécule de triglycéride libère 13 fois plus d'énergie que celle d'une molécule de glucose ...
Rapporté à un gramme les lipides apportent 9 kcal contre 4 aux glucides et aux protides.
( une donnée essentielle lorsque l'on construit un bilan énergétique avec calcul des rations quotidiennes nécessaires )
D'autre part l'absorption au niveau intestinal des lipides n'est pas ce qui se fait de mieux ....
Même si on prend des triglycérides à chaîne moyenne l'apport à la dépense énergétique
est limitée à environ 7-10 % sans oublier les risque sur le plan tolérance digestive
Donc inutile de s'enfiler des cuillères d'huile aux ravitos de votre Tor des Géants

En revanche choisir des sources de lipides à haute teneur en acides gras polyinsaturés (notamment oméga 3 et 6 ) sera tout à fait intéressante pour palier au stress oxydatif ... d'où l'intérêt de la présence de l'amande dans les barres....
Les limites des lipides
Lors d'un ultra il ne faudrait quand même pas penser que l'on peut s'en tirer qu'avec des lipides !!
Le muscle avance prioritairement au glucose même si la part des graisses est importante sur un ultra , les acides gras interviennent de manière très importante après 3h de course et lorsque l’intensité dominante de l’effort se situe en i.2 (70-75% de la Fc max)
Et puis surtout ne pas oublier quand même que le cerveau fonctionne au glucose ....
Hors un traileur sur l'UTMB qui débranche sur le plan du cerveau risque fort... de débrancher tout court

D’où extrême importance de trois problématiques concomittantes sur un ultra :
1. Les apports en produits sucrés avec des index glycémiques variés pour permettre une diffusion régulière et un bon renouvellement du glucose
2. l’exploitation de son stock de lipides comme source d’énergie
3. un apport en acides aminés essentiels ( famille des protéines)
Un effort d'endurance au seuil 1 aérobie (environ 85% de sa FC max) d’une heure induit l’élimination irréversible de 30 g environ de protéines lorsqu’il est modéré, et de 45 g si on dépasse le seuil 1 .
Les BCAA de la famille des acides aminés essentiels sont les principales victimes de cette utilisation.
Par delà le phénomène de l’oxydation dans les efforts de longue durée , tout effort conduit à des traumatismes sur les cellules musculaires, pour reconstruire ces fibres "mal en point" si j'ose dire , le corps a besoin d'un surplus d'acide amines….
D'où l'intérêt d'apporter aussi une part en acides aminés ( et c'est là que l'on retrouve l'intérêt de la crème sport déjeuner qui a une richesse de par sa composition en BCAA)
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La problématique de l'utilisation des lipides sur un ultra doit s'inscrire au sein d'un des enjeux majeurs de l'alimentation sur une épreuve de très longue endurance , à savoir préserver au maximum le stock de glycogène ... et d'éviter autant faire se peut l'utilisation de la filière des protéines comme carburant ....
Un organisme qui détruit ses protéines pour fabriquer du glucose... va inexorablement détruire aussi ses propres muscles...
Alain