Nous sommes en 2044… Le petit monde du trail a bien changé… Désormais, l’accès à la nature est très réglementé. Depuis les lois Rousseau de 2033 (elle est devenue ministre de l’écologie en 2032) et que les postes au sein des administrations comme les PNR, l’ONF, la DDTM, l’OFB sont occupés majoritairement par des personnes issues d’associations comme « Soulèvement de la Terre » ou « Extinction Rébellion », il n’est possible de courir dans les massifs (désormais tous Natura 2040) que sous certaines conditions : droit d’entrée de 20 à 100 euros selon les zones, limite drastique du nombre d’usagers, interdiction d’évoluer en groupe pour ne pas faire de bruit et ainsi déranger les oiseaux. De plus, il y a une vérification des traces GPS à la sortie par les agents assermentés pour vérifier que nous sommes bien resté sur les quelques kilomètres de larges chemins autorisés. Tout manquement est passible d’une forte amende et de l’inscription sur le fichier V interdisant l’accès au milieu naturel. Malgré tout cela, j’ai réussi à me préparer pour mon objectif tri-annuel… En effet, nous ne pouvons désormais effectuer qu’un seul déplacement à plus de 150 km de chez soit tous les 3 ans… Je suis inscrit depuis 2039 ans car les épreuves, désormais très rares, sont limitées à 100 participants, et il est très compliqué d’avoir un dossard… Et je ne parle du prix… j’ai dû économiser longtemps pour sortir les 1600 euros (essentiellement des taxes écologiques) de droit d’inscription. Mais je ne me plains pas, car je suis chanceux de pouvoir participer à la plus grande épreuve nature au monde : 160 km sur une grande boucle de 20 bornes… il y a même un monotrace de presque 1 km dans un parc… Ça va être top… J’espère réussir à être finisher, même si j’ai du mal avec les nouvelles règles concernant les ravitaillements : on ne peut plus rien prendre avec soi pour éviter de tomber quelque chose par inadvertance et tous les ravitos sont exclusivement végans… Bien que cela représente un budget énorme, j’aimais bien les sandwichs au jambon sur le long… Tant pis, l’aventure, c’est aventure… J’ai hâte…
Je suis (peut-être…) caricatural dans ce petit texte… Mais je crains fort que cela définisse la direction actuelle de notre sport… Organisateur depuis plus de 15 ans, j’ai la chance d’être aujourd’hui professionnel de ma passion en tant que speaker. Et je constate de plus en plus les dérives vers l’extrémisme écologique… Je me considère pourtant comme écolo… je suis 1000 fois d’accord avec l’idée de ne pas ouvrir de nouveaux sentiers, de favoriser les circuits courts pour les besoins des organisations, d’inciter au covoiturage, de limiter des lots manufacturés, d’informer et de sensibiliser les coureurs sur les enjeux et les bonnes pratiques… Mais j’assiste au fil des ans à une escalade des interdictions pour des raisons de plus en plus absurdes… Il y a quelques jours, mon amie BA a indiqué qu’elle n’organiserait plus les Trails Cathares… une des plus belles épreuves que je connaisse… En cause, des contraintes de plus en plus importantes concernant l’utilisation de sentiers (en 2023, les coureurs avait déjà l’interdiction de parler (vous avez bien lu) sur un passage en crête pour ne pas déranger les oiseaux…). Moi-même, j’ai dû arrêter d’organiser l’une des distances sur ma course car le passage de 150 coureurs sur un sentier mettait en péril l’existence du lagopède alpin… D’autres doivent se battre pour la traversée d’une rivière à sec, car il y aurait peut-être une espèce de barbeau protégée si l’eau remontait… Les exemples se comptent par dizaines ; j'y suis confronté presque tous les week-ends. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Je pense que, au fil des départs en retraite des administratifs dans les structures en charge de donner des avis sur les épreuves, une nouvelle génération, issue de mouvances radicales, accède à ces postes… Pour la plupart d’entre eux, la certitude que les activités en nature sont une mauvaise chose est telle qu’ils ne cherchent même pas à connaître la pratique, à essayer d’évaluer factuellement les impacts réels… Plus ils seront nombreux, plus il sera compliqué d’organiser des épreuves, petites ou grandes… Au-delà de ça, s’il est évident que le bien-être animal et la préservation des écosystèmes sont importants, jusqu’à quel point est-on prêt à sacrifier l’épanouissement psychologique des humains dans ces temps pas forcément faciles ?
Alors que faire pour ne pas en arriver à la situation décrite plus haut ? En fait… je n’en sais rien… j’ai bien peur que ce soit inéluctable… Mais si on ne fait rien, à quoi bon se plaindre… Sans grand espoir que cela serve à quelque chose, j’ai tout de même ouvert une pétition sur change.org (lien ici : https://chng.it/7bnd6HQWTc). Coureurs, organisateurs, si ces problèmes vous inquiètent aussi, si ce texte vous parle, signez, partagez, avec vos amis, vos mailings-list… S'il y a beaucoup de signatures, peut-être que des structures tels que le CESO, si elles s'emparent du sujet, pourront influer sur l’avenir… L'idée, c'est que nos politiques prennent conscience de la situation, et que des limites soient posées pour les agents administratifs en charge des questions d'accès à la nature.
En attendant, bon trail à tous (tant que c’est encore possible…).